Troisième émotion : la Peur

On confond souvent peur, angoisse et stress

La peur est une émotion primaire éprouvée par l'individu lors de la confrontation avec un danger immédiat, par exemple la confrontation avec un prédateur. Elle est toujours déclenchée par un objet déterminé et survient de manière circonscrite dans le temps.

Dans l'approche psychologique, l'angoisse se définit comme un comportement lié à une émotion durable de peur sans objet externe clairement identifié. Dans cette approche on distingue la crise d'angoisse de l'attaque de panique.

Le stress a un impact psychologique qui se traduit notamment par : de l'irritabilité ou de l'agressivité,
un sentiment de perte de contrôle, de l'insomnie; de la fatigue ou de l'épuisement, de la tristesse ou des pleurs, des troubles de concentration ou de mémoire, etc.

La peur nous colle à la peau, nous envahit parfois, impossible à maîtriser. Paradoxale, elle approfondit aussi notre sensation d’exister : dès les premiers instants, pas à pas, nous devons la surmonter, jusqu’à la fin.

Une émotion archaïque

En réalité, à ce moment-là, une mémoire très ancienne a fonctionné en vous. Vos cerveaux
reptilien et limbique ont déclenché des mécanismes neurophysiologiques et psychologiques sophistiqués. Cette émotion, la peur, est en fait un système d’alarme hautement perfectionné. Depuis la nuit des temps,
indispensable à notre survie, elle nous informe des dangers, éveille notre attention pour que nous trouvions rapidement la réponse appropriée à une menace. Aimer se faire peur, c’est d’ailleurs aimer cette
hypervigilance, et les intenses sensations d’exister qui vont avec. Une tendance qui peut parfois pousser certains à multiplier les « conduites à risques ». Mais lorsque cette alarme se met en route devant des dangers imaginaires, fantasmés, ou lorsque la crainte est activée par des peurs du passé non assainies, l’état d’alerte devient plus fréquent, parfois même permanent chez les anxieux.

Fidèle compagne

Vous vous croyez épargné ? Pourtant, sans que nous en soyons toujours conscients, la peur est
présente dès les premières heures de la vie. Rejetés du giron maternel, si confortable, si protecteur, nous naissons nus, vulnérables, et totalement dépendants. Comment ne pas être terrifiés ? Plus tard,
grandir revient le plus souvent non pas à oublier la peur, mais plutôt à apprendre à avancer malgré ses freins : peur du loup, du noir, des grands dans la cour d’école, des examens, du premier baiser…
Et puis, à l’âge adulte, la peur de perdre son enfant. C’est en effet la réponse des internautes qui revient le plus souvent lorsqu’on les interroge sur leurs peurs. Parce que devenir parent, c’est aussi réaliser combien la vie est précieuse et précaire.

Terrible paradoxe ! Plus nous nous installons dans la vie, plus nous prenons conscience de tous les risques qu’il y a à vivre… et plus nous nous rapprochons des trois « impensables », la maladie, la vieillesse, la
mort, contre lesquelles nous ne pouvons rien. Et la boucle se referme : « Peut-être la peur de la mort n’est-elle que le souvenir de la peur de naître », disait l’écrivain russe Iouri Olecha (in Pas de jour sans une ligne, L’Âge d’homme).

Une peur peut en cacher une autre

Chacun a aussi son histoire personnelle avec la peur, une liaison qui s’est construite à partir des épisodes les plus marquants de sa vie. D’où les multiples objets sur lesquelles peut venir se « fixer » notre sentiment d’insécurité.

Dans son livre Victime des autres, bourreau de soi-même (Robert Laffont), le psychanalyste Guy Corneau raconte qu’il avait été demandé aux participants d’un groupe thérapeutique d’établir une liste commune de leurs peurs. Au final, il en ressortait plus d’une centaine :celle de l’autorité, des OGM, des camions, ou encore d’être nu, de se salir, d’étouffer… La liste, bien que très variée, se rallongeait dès qu’un nouveau participant arrivait… avec ses propres sources d’angoisse. Pour Guy Corneau, l’exercice offrait un autre intérêt : montrer qu’une peur dite « de surface » ou circonstancielle nous protège toujours d’une
autre plus profonde. Ainsi, la crainte obsédante de perdre ses cheveux préserve-t-elle l’un des participants du groupe thérapeutique d’entrer en contact avec sa peur de ne pas être aimé (une peur essentielle) qui,
elle-même, masque sa peur existentielle de la solitude… Pour être apaisé, une seule solution : « Se délivrer des petites peurs pour aller vers des peurs plus grandes n’est pas, en soi, une perspective très
alléchante, reconnaît le psychanalyste. Il s’agit pourtant du chemin que chacun est invité à suivre. »

Cette lecture peut aussi aider à comprendre les paniques collectives, si irrationnelles. En effet, nos sociétés ont mis en place des systèmes perfectionnés pour sécuriser les populations – sécurité sociale, assurance chômage, antibiotiques… Rien n’y fait : notre sentiment de panique peut redémarrer dès le premier cas de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Pourquoi ? Lorsqu’on ne prend pas conscience de ses petites peurs personnelles, les menaces collectives nous atteignent deux fois plus fort.