Avoir un enfant : le choix d'une vie

Faire un bébé maintenant ou plus tard, avec cet homme ou avec cette femme, au risque de tout sacrifier…. Depuis que nous avons le choix d'avoir un enfant ou non, nous prenons le temps d’y réfléchir. Mais savons-nous vraiment ce que cache notre désir ?

Une liberté angoissante

« Le destin conjugal, familial et maternel d’une femme était tracé, il ne l’est plus, explique le psychanalyste Jacques André. La liberté politique est réjouissante, la liberté psychique est angoissante. Il ne
suffit plus de “faire” un enfant, il faut encore le désirer. » Malgré ce pouvoir étourdissant qui nous est donné, nous sommes moins libres que nous aimerions le penser. « Entre vouloir et désirer, il existe une
grande différence, qui renvoie à la notion de conscient et d’inconscient, rappelle la psychanalyste Catherine Mathelin. On peut être conscient de vouloir quelque chose, et, dans la part de nous que nous ne connaissons pas et qui reste inconsciente, ne pas en vouloir. Le désir a partie liée avec l’inconscient. Nous ne connaissons jamais vraiment ce qu’il en est de notre désir. Une part de lui demeure toujours énigmatique. »

Le bon moment

«Ce serait l’un des plus grands triomphes de l’humanité si l’on parvenait à élever l’acte responsable de la procréation au rang d’action intentionnelle », expliquait Freud dans La Première Théorie des névroses (PUF, “Quadrige”). Un demi-siècle avant l’invention de la pilule,
Sigmund Freud lui-même rêvait d’une humanité qui n’aurait plus à subir les grossesses, mais pourrait les décider. Lui qui avait cessé toute vie sexuelle à 40 ans, pour ne plus courir le risque d’être père, n’avait sans doute pas mesuré le fossé de perplexité qui allait s’ouvrir sous
nos pas à l’heure de choisir d’avoir un enfant ou pas. D’autant que si nous pouvons décider du moment de sa conception grâce à la contraception, nous pouvons aussi, dans certains cas, repousser l’âge de procréer et vaincre l’infertilité.

Un désir sexué

Hommes et femmes ne sont pas égaux devant le désir d’enfant. Chez la petite fille, il prend naissance dès le premier poupon qu’elle berce, vers 2 ou 3 ans. Il a grandi dans la tête de la future femme au fil des
années, porteur de son histoire intime, de ses joies, de ses chagrins, de ses richesses et de ses manques. Pour les jeunes garçons – souvent moins portés sur les poupées –, la démarche n’est pas la même. L’enfant imaginaire est alors la représentation d’un rôle social, d’une responsabilité paternelle. Pour Jean-François Daubech, psychiatre et psychanalyste, spécialisé dans l’accompagnement de couples infertiles, «
le projet d’enfant est porté, soutenu, animé par les femmes, beaucoup plus que par les hommes. La raison en est que le désir d’enfant chez la femme est une dimension vitale, un accomplissement personnel qu’elles considèrent comme indispensable. Le désir de l’homme est que sa femme soit heureuse, et si cela passe par des enfants, va pour des enfants ». Quoi qu’il en soit, pour les deux sexes, « le bébé imaginaire est un étonnant voyageur de la psyché, grand bourlingueur de nos “lointains intérieurs”, raconte joliment le pédo psychiatre Patrick Ben Soussan. Il vient de notre préhistoire, du fin fond de nos inconscients, et porte
témoignage, à notre insu, de nos désirs les plus secrets ».